Trahie by Martine Latulippe

Auteur:Martine Latulippe
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2018-01-04T00:00:00+00:00

13.

11 juin – Quatre jours après le jour H

pour Honte

J’ai l’impression de revenir un peu à la vie. Après avoir écrit à Oli, j’ai pris une douche. Je me suis coiffée pour la première fois en quatre jours. J’ai même pu manger. Pas grand-chose, mais c’est déjà mieux que rien du tout. Savoir que je verrai mon amie me fait le plus grand bien. À part mes parents, c’est la première personne à qui je parlerai depuis cette fameuse journée…

L’école finit dans quelques minutes, et j’ai proposé à Olivia, par texto, de passer après les cours. Je décide de m’asseoir dehors, sur la terrasse, pour attendre la visite d’Oli. Je m’installe à la table, un verre de jus d’orange à portée de main, l’ordinateur portable devant moi. Il fait encore un temps superbe. L’été semble bel et bien là. Le soleil brille, un vent un peu frais caresse mes joues. Je tends mon visage vers les rayons. Je ferme les yeux. Je prends une grande inspiration.

C’était une bonne décision d’inviter Olivia. Et de sortir de ma chambre, petite pièce sombre aux rideaux tirés depuis des jours. Je ne vois toujours pas de solution à la situation, mais je me sens un peu mieux. Je ne sais pas encore ce que je vais faire, mais il faut bien continuer. Pas d’autre choix que de vivre avec ce geste. Je donnerais n’importe quoi pour revenir en arrière et effacer les deux secondes où j’ai envoyé cette photo. Mais ce n’est pas possible, malheureusement.

Décidée, j’allume le portable. Tout à l’heure, avant d’écrire à Oli, j’ai regardé ma page Facebook pour la première fois depuis jeudi dernier. J’avais un nombre ahurissant de messages. Des gens qui se moquent de moi, de la photo. Des étrangers, des inconnus qui m’ont vue presque nue et qui m’envoient des demandes d’amitié. Il y a sûrement aussi quelques amis qui m’ont écrit des mots encourageants. Tous ne peuvent pas me détester, quand même…

Je n’ai aucune envie de lire tout ça. Ni aujourd’hui, ni plus tard. Je désactive mon compte Facebook sans jeter un regard de plus aux messages contenus dans la boîte. Fini. Terminé. On repart à neuf. Cette page n’existe plus. Ça ne règle pas tout, mais j’ai l’impression d’agir.

Je fais pareil pour Instagram. Comme si je tentais d’effacer toute trace de moi du Net. De gommer mon existence virtuelle petit à petit. Il est trop tard, je sais bien, et ça ne sert plus à rien. Mais j’ai au moins le sentiment de reprendre vie, de faire un geste concret, d’être de retour dans l’action au lieu de me morfondre sous mes couvertures.

Un toussotement attire soudain mon attention et me fait lever la tête de l’écran. Oli est au bas des marches menant à la terrasse, un petit sourire embarrassé sur les lèvres, comme si elle ne savait pas bien comment se comporter. J’essaie de mon mieux de lui rendre son sourire. Ça doit plutôt ressembler à une grimace. Je me mords les lèvres pour tenter de retenir les sanglots.

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